Je me lance comme traductrice freelance à l’étranger : le début d'une nouvelle aventure professionnelle
D’un pays à l’autre, d’une langue à l’autre, d’une culture à l’autre, d’un ciel à l’autre. Traduire, encore et toujours, pour construire une carrière sans frontières. Dans cet article, je vous partage mon aventure entrepreneuriale : un parcours entre deux rives et deux façons de traduire le monde, avec ses changements, ses défis et les exigences de mon métier.
Tiziri BACHIR
7 min read


Comment tout a commencé, mes choix et mon parcours
Le freelance en traduction était la voie évidente pour moi après la fin de mes premières études en traduction et interprétariat, il y a de cela 12 ans. Étant jeune, avec des rêves pleins la tête, je voulais explorer l'univers de la traduction tel que je l'imaginais et non tel qu'on me l'avait enseigné. Je voulais, comme beaucoup de jeunes de ma génération, sortir des sentiers battus, poursuivre le rêve de me construire seule depuis n'importe quel spot géographique. J'avais choisi ma montagne et ses airs joyeux pour me lancer le défi de proposer mes services, même si cela devait me coûter des moments de doute, des appréhensions, des retours négatifs, des refus de collaboration, des tests sans aucune suite et des projets jamais rémunérés.
Mon choix avait le goût d'une belle aventure, cependant, j'ai très vite compris que pour assumer cette aventure, il fallait partir seule à la recherche de la connaissance qui allait constituer ma force de frappe. J'ai donc continué à me former, mais également à essuyer des refus, un peu moins qu'à mes débuts, et c'est là que j'ai compris que j'étais sur la bonne voie. Traduire revient à éduquer ses réflexes de traducteur·ice et ne jamais les laisser se rouiller.
Après mon premier diplôme de traduction et interprétariat, je me suis formée à un autre en traduction littéraire et culturelle. J'ai appris à apprivoiser les culturèmes et les spécificités culturelles de chaque culture qui composait mes langues de travail, en l'occurrence : le français, l'arabe et l'anglais.
J'ai ensuite intégré le salariat et je me suis formée à la traduction spécialisée dans un office de traduction officiel, où j'ai travaillé et appris, sous l'aile d'une traductrice et interprète talentueuse, tous les essentiels du métier.
Ressentant encore le besoin d'évoluer dans la traduction spécialisée, j'ai entamé un doctorat en traduction spécialisée et j'ai exploré les aspects théoriques et empiriques de cette discipline, ce qui m'a permis d'analyser les processus cognitifs qui s'opèrent lors de l'opération traduisante et de les optimiser pour améliorer ma productivité, mes capacités et mon savoir-faire en traduction.
Est-ce que la recherche en traductologie m'a éloignée de la pratique de la traduction ?
Pas le moins du monde ! Car, parallèlement à mon projet de recherche, je continuais à traduire dans le cadre de mon poste de traductrice salariée, ce qui m'a permis de ne jamais m'éloigner du domaine, mais plutôt de l'apprivoiser sous un angle critique. Je ne traduisais pas seulement pour traduire, mais je comprenais pourquoi je devais traduire ainsi et pas autrement.
La recherche m'a permis de connaître les domaines que je traduisais de plus près, d'explorer des aspects thématiques que je ne me donnais pas le temps d'étudier en dehors de la recherche. Elle m'a également permis de me rapprocher des experts des domaines que je traduisais pour mieux cerner leurs besoins, comprendre leurs langages, adopter leurs réflexes et parler en leur nom dans les langues qu'ils ne maîtrisaient pas.
Après l'obtention de mon diplôme de doctorat, j'ai intégré l'université en tant que maîtresse-assistante, ensuite maîtresse de conférences en traductologie, où j'ai assuré des enseignements variés en traduction spécialisée, en méthodologie de la traduction, en recherche documentaire et terminologique, en traduction assistée par ordinateur, et j'ai assuré l'encadrement des mémoires de master 2 de mes étudiants. Ce qui m'a permis de mettre en pratique les enseignements ainsi que les savoirs acquis durant mon parcours académique. Il s'agissait justement de visualiser l'impact de mes acquis sur les pratiques et les réflexes que mes étudiants allaient adopter.
Avide de savoir et en quête d'excellence, j'ai intégré un master en industrie de la langue et traduction spécialisée à l'Université de Paris, où j'ai encore amélioré ma maîtrise des outils de traduction, de création de corpus, d'extraction terminologique, d'élaboration de glossaires spécialisés et de gestion de projets en traduction.
2024 touche à sa fin, et je monte à nouveau dans le train qui avait démarré d'un côté de la Méditerranée, mais qui l'a à présent traversée. Je monte à nouveau, je m'accroche au wagon en ayant pour seul bagage mon expérience de cette dernière décennie et tous les savoirs acquis dans différents contextes d'apprentissage. Mais cela suffit-il vraiment ?
Pour répondre à cette question, deux aspects sont à prendre en compte : l'espace et le temps.
D'abord, parlons espace !
Traducteur·ice freelance en Algérie, que fallait-il ?
Lancer sa carrière de traductrice freelance en Algérie demandait expertise, savoir-faire et une dose d’autocritique : douter de chaque traduction tant qu’un·e autre ne l’avait pas validée. Il s'agit d'une aventure solitaire que l'on mène souvent dans la « clandestinité » où la reconnaissance devient un luxe que l'on ne se permet pas toujours.
J'y avais mis tout mon cœur afin de prouver que je méritais ma place sur le marché. Les traductions qui sont effectuées par des indépendant·es sont soumises à l’expertise des traducteurs officiels certifiés et agréés près le ministère de la Justice. Cette expérience m’avait offert le luxe de ne jamais arrêter de traduire. Les traducteurs agréés qui nous sous-traitaient exigeaient un travail parfait. Fournir un travail médiocre revenait à perdre sa crédibilité et à être exclu·e d’un marché déjà saturé et incapable d'absorber tou·tes les diplômé·es.
En Algérie, je traduisais de tout, je n'avais pas de spécialisation, je recevais des projets, très différents les uns des autres. Je passais du juridique au technique, du technique au financier, du financier au médical, du médical à l'administratif, de l'administratif au commercial, et ainsi de suite.
Traducteur·ice freelance en France, que faut-il ?
Le freelance en France est une aventure que j'expérimente pour la première fois. Elle a le goût de l'inconnu. Je ne connais pas les gens, personne ne me connaît encore. Comment trouver ma place, et à qui dois-je m'adresser ?
Mon chiffre d'affaires ne constitue pas ma priorité, du moins pas tout de suite. Un patron chez qui j’avais travaillé à ma sortie de l’université m’avait un jour dit la chose suivante : « lorsque tu te lances dans un nouveau projet, la première année, tu vas perdre, la deuxième année, tu vas arrêter de perdre, et la troisième année, tu vas commencer à gagner. »
Par contre, je me soucie de l’image que je vais renvoyer, de la place que je me ferai parmi tout ce beau monde qui est déjà sur le marché depuis des années.
En Algérie aussi, je me souciais de la qualité de mon travail. Cependant, je savais que je venais de finir mes études, je me permettais de continuer à apprendre. L'erreur m’était encore permise.
Aujourd’hui, bien que mon apprentissage soit toujours de mise, même après toutes ces années, je suis 12 fois plus exigeante envers moi-même, car pendant ces 12 années, je n’ai pas cessé de développer mes compétences et d'analyser mes lacunes pour qu’aujourd’hui je puisse me lancer en freelance en confiance et en toute autonomie.
Maintenant, parlons temps !
Le freelance en traduction, qu'est-ce qui a changé ?
Le freelance d’aujourd’hui n’a naturellement pas les mêmes exigences qu’il y a quelques années. Le marché, au sens géographique du terme, a changé, les besoins du marché en général ont évolué, la boîte à outils du traducteur s'est remplie davantage.
Entre hier et aujourd’hui, j’ai accepté de me former sur beaucoup d’outils, j’ai capitalisé mon temps dans le développement de mes compétences. Avant, je n'avais pas besoin d'aller chercher des clients, je n'avais jamais eu besoin de prospecter. Je passais des tests et je traduisais. Ma crédibilité dépendait uniquement de la qualité de mes livrables.
Avant, je n’avais pas besoin d’avoir une image de marque, aujourd’hui, je n’ai pas le choix. Encore novice en personal branding, vous dirai-je ! Est-ce que j'ai le choix ? J'en doute fort !
Avant, je n'avais pas besoin d'avoir un logo, aujourd'hui, si ! Avant, je n'avais pas besoin d'avoir un site internet, aujourd'hui, si !
Aujourd’hui, je suis cheffe de ma propre entreprise, je gère ma communication seule, je fais la veille documentaire et terminologique seule, la traduction, la révision, la relecture, le contrôle qualité, l’instauration d’une communication efficace et apaisée avec le client, la résolution des problèmes, la comptabilité, la partie administrative, le marketing digital de mes réseaux sociaux et pros ainsi que de mon site web…
Avant, j’étais seule au sein d’une équipe, aujourd'hui, je suis une équipe à moi seule.
Je ne m’adresse plus au même public, ou du moins, je m’adresse désormais à deux publics à la fois. Avant, je m’occupais du marché MENA avec quelques projets issus du marché français destinés au secteur juridique et/ou judiciaire algérien. Aujourd’hui, en plus de la région MENA, je m’adresse aussi au marché européen.
Avec les mêmes outils et les mêmes compétences ? Sans doute pas ! Aujourd’hui, je mets les CAT Tools au service de mon expertise linguistique et traductologique, je garde l’IA à portée de main pour optimiser mon temps de recherche documentaire (à ne pas confondre avec la traduction), j’use de ma maîtrise des outils de gestion de projets pour avoir une meilleure organisation et une planification efficace, j'apprends à exprimer ma créativité dans la création des visuels que j'emploie dans ma communication digitale.
Qu’est-ce que je retiens de cette aventure ?
Le futur du freelance, c’est de se réinventer sans cesse. Ma carrière en France est la consécration de toute ma formation en Algérie, de ces années passées à me former, à me tromper, puis à apprendre de mes erreurs. C’est aussi le résultat du temps investi à aimer passionnément ce que je faisais, jusqu’à en faire aujourd’hui un véritable métier et proposer des services qui répondent aux besoins de ceux deux marchés à la fois.
Envie de collaborer ? Contactez-moi !

