Lancer sa carrière de traductrice freelance à l’étranger : une nouvelle ère qui commence !
Devenir traductrice freelance, démarrer dans un pays, finir dans un autre, c’est se lancer dans une aventure en imaginant, un peu naïvement, que tous les sentiers se valent, que chaque dénivelé s'aborde avec les mêmes outils et que tous les sommets s’atteignent au même rythme.
Tiziri BACHIR
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Comment suis-je devenue traductrice freelance ?
Le freelance en traduction était la voie évidente pour moi après la fin de mes premières études en traduction & interprétariat, il y a de cela 12 ans. Étant jeune, avec des rêves plein la tête, je voulais explorer l'univers de la traduction tel que je l'imaginais et non tel qu'on me l'a enseigné. J'ai donc pris mon courage à deux mains et je me suis lancé le défi de proposer mes services, même si cela devait me coûter des retours négatifs, des refus de collaboration, des tests sans aucune suite, des projets jamais rémunérés. C'est simple, j'acceptais l'aventure d'être moi ! la traductrice de mes rêves.
J'ai par la suite compris que pour assumer cette aventure, il fallait partir seule à la recherche de la connaissance qui allait constituer ma force de frappe. J'ai donc continué à me former, mais également à m'essuyer des refus, moins qu'au tout début, et c'est là que j'ai compris que j'étais sur la bonne voie. Traduire revient à éduquer ses réflexes de traducteur.ice et ne jamais les laisser se rouiller.
Après mon premier diplôme, je me suis ensuite formée à un autre en traduction littéraire et culturelle. J'ai appris à apprivoiser les culturèmes et les spécificités culturelles de chaque culture qui composait mes langues de travail, en l'occurrence : le français, l'arabe et l'anglais.
J'ai ensuite intégré le salariat et je me suis formée à la traduction spécialisée dans un bureau de traduction officielle, où j'ai travaillé et appris sous l'aile d'une traductrice & interprète talentueuse tous les essentiels du métier.
Ressentant encore le besoin d'évoluer dans la traduction spécialisée, j'ai entamé un doctorat en traduction spécialisée et j'ai exploré les aspects théoriques et empiriques de cette discipline, ce qui m'a permis d'analyser les processus cognitifs qui s'opèrent lors de l'opération traduisante et à les optimiser pour améliorer ma productivité, mes capacités et mon savoir-faire en traduction.
Après l'obtention de mon diplôme de doctorat, j'ai intégré l'université en tant que maître-assistante ensuite maitre de conférences en traductologie, où j'ai assuré des enseignements variés en traduction spécialisée, en méthodologie de la traduction, en recherche documentaire et terminologique, en traduction assistée par ordinateur, ainsi que l'encadrement des mémoires de Master 2 de mes étudiants.
Avide de savoir et en quête d'excellence, j'ai intégré un master en industrie de la langue et traduction spécialisée à l'université de Paris où j'ai encore amélioré ma maitrise des outils de traduction, de création de corpus, d'extraction terminologique, d'élaboration de glossaires spécialisés et de gestion de projets en traduction.
2024 touche à sa fin, et je monte à nouveau dans le train qui avait démarré d'un côté de la Méditerranée, mais qui l'a à présent traversé. Je monte à nouveau, je m'accroche au wagon en ayant pour seul bagage mon expérience de cette dernière décennie et tous les savoirs acquis dans différents contextes d'apprentissage. Mais cela suffit-il vraiment ?
Pour répondre à cette question, deux aspects sont à prendre en compte : l'espace et le temps.
Parlons donc espace !
Traducteur.ice freelance en Algérie, que fallait-il ?
Lancer sa carrière de traductrice freelance en Algérie demandait expertise, savoir-faire et une dose d’autocritique : douter de chaque traduction tant qu’un autre ne l’avait pas validée. Il s'agit d'une aventure solitaire que l'on mène souvent dans la "clandestinité" où la reconnaissance devient un luxe que l'on ne se permet pas toujours.
J'y avais mis tout mon cœur afin de prouver que je méritais ma place sur le marché. Les traductions qui sont effectuées par des indépendant.es sont soumises à l’expertise des traducteurs officiels certifiés et agréés près le ministère de la Justice. Cette expérience m’avait offert le luxe de ne jamais arrêter de traduire. Les traducteurs agréés qui nous sous-traitent exigeaient un travail parfait, sinon, c’était la perte de crédibilité et l’exclusion d’un marché déjà saturé et incapable d'absorber tous les diplômés.
En Algérie, je traduisais de tout, je n'avais pas de spécialisation, je recevais des projets, très différents les uns des autres. Je passais du juridique au technique, du technique au financier, du financier au médical, du médical à l'administratif, de l'administratif au commercial, ainsi de suite.
Traducteur.ice freelance en France, que faut-il ?
Le freelance en France est une aventure que j'expérimente pour la première fois. Elle a le goût de l'inconnu. Je ne connais pas les gens, personne ne me connait encore. Comment trouver ma place, et à qui dois-je m'adresser !
Mon chiffre d'affaires ne constitue pas ma priorité, du moins pas tout de suite. Un patron chez qui j’avais travaillé à ma sortie de l’université m’avait un jour dit la chose suivante : « lorsque tu te lances dans un nouveau projet, la première année tu vas perdre, la deuxième année tu vas arrêter de perdre, et la troisième année tu vas commencer à gagner ».
Par contre, je me soucie de l’image que je vais renvoyer, de la place que je me ferais parmi tout ce beau monde qui est déjà sur le marché depuis des années.
En Algérie aussi, je me souciais de la qualité de mon travail. Cependant, je savais que je venais de finir mes études, je me permettais de continuer à apprendre. L'erreur m’était encore permise.
Aujourd’hui, bien que mon apprentissage soit toujours de mise, même après toutes ces années, je suis 12 fois plus exigeante envers moi-même, car pendant ces 12 années, je n’ai pas cessé de développer mes compétences et d'analyser mes lacunes pour qu’aujourd’hui je puisse me lancer en freelance en confiance et en toute autonomie.
Maintenant, parlons temps !
Le freelance en traduction, qu'est-ce qui a changé ?
Le freelance d’aujourd’hui n’a naturellement pas les mêmes exigences qu’il y a quelques années. Le marché au sens géographique du terme a changé, les besoins du marché en général ont évolué, la boite à outil du traducteur s'est remplie davantage.
Entre hier et aujourd’hui, j’ai accepté de me former sur beaucoup d’outils, j’ai capitalisé mon temps dans le développement de mes compétences. Avant, je n'avais pas besoin d'aller chercher des clients, je n'avais jamais eu besoin de prospecter. Je passais des tests et je traduisais. Ma crédibilité dépendait uniquement de la qualité de mes livrables.
Avant, je n’avais pas besoin d’avoir une image de marque, aujourd’hui, je n’ai pas le choix. Encore novice en personal branding, vous dirai-je ! Est-ce que j'ai le choix ? Je ne pense pas.
Avant, je n'avais pas besoin d'avoir un logo, aujourd'hui, si ! Avant, je n'avais pas besoin d'avoir un site internet, aujourd'hui, si !
Aujourd’hui, je suis cheffe de ma propre entreprise, je gère ma communication seule, je fais la veille documentaire et terminologique seule, la traduction, la révision, la relecture, le contrôle qualité, l’instauration d’une communication efficace et apaisée avec le client, la résolution des problèmes, la compta, la partie administrative, le marketing digital de mes réseaux sociaux et pros ainsi que de mon site web…
Avant, j’étais seule au sein d’une équipe, aujourd'hui, je suis une équipe à moi seule.
Je ne m’adresse plus au même public, ou du moins, je m’adresse désormais à deux publics à la fois. Avant, je m’occupais du marché MENA avec quelques projets issus du marché français destinés au secteur juridique et/ou judiciaire algérien. Aujourd’hui, en plus de la région MENA, je m’adresse aussi au marché européen.
Avec les mêmes outils et les mêmes compétences ? Sans doute pas ! Aujourd’hui, je mets les CatTools au service de mon expertise linguistique et traductologique, je garde l’IA à portée de mains pour optimiser mon temps de recherche documentaire (à ne pas confondre avec la traduction), j’use de ma maitrise des outils de gestion de projets, pour avoir une meilleure organisation et une planification efficace, j'apprends à exprimer ma créativité dans la création des visuels que j'emploie dans ma communication digitale.
Qu'est-ce que je retiens de cette aventure ?
Le freelance en France est la consécration de toute ma formation en Algérie, de toutes ces années passées à me former, à me planter, puis à apprendre de mes erreurs. C'est la consécration du temps passé à aimer passionnément ce que je faisais pour en faire aujourd’hui un vrai métier.
